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mysee !
8 mars 2011

Commentaire de la décision du Conseil constitutionnel, n° 2006-533 DC du 16 mars 2006.

Le principe constitutionnel d’égalité, envisagé sous l’angle de l’égalité par la loi et des discriminations positives, met en exergue l’opposition de ce principe à l’instauration de mesures légales contraignantes visant à affirmer et de promouvoir l’égalité des genres.

 

Saisi de la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes par plus de soixante députés, le Conseil constitutionnel en a  censuré deux séries de mesures (articles 21 à 26) par sa décision n° 2006-533 DC du 16 mars 2006 ;

- comme contraires au principe d'égalitéeu égard le bloc de constitutionnalité et particulièrement l’article premier de la Constitution- et non couvertes par les dispositions constitutionnelles relatives à la parité en matière d'élections politiques, les dispositions instaurant des règles de composition contraignantes entre sexes dans divers organismes et commissions délibératifs publics et privés.

Quoique centrée exclusivement sur des griefs de procédure, la saisine a conduit le conseil constitutionnel, comme il l’a toujours fait pour de telles dispositions, à examiner d’office les articles de la loi déférée qui instituent ce qu’il est convenu d’appeler des « discriminations positives ».


En effet, l’application des dispositions issues des titres soumis au Conseil aurait nécessairement fait prévaloir la prise en compte du sexe de la personne sur toute autre considération chaque fois que la proportion imposée n’aurait pu être atteinte qu’en écartant une personne de sexe le plus représenté alors même que sa désignation aurait été préférable du point de vue de l’utilité publique.


  • Mise au point 

La parité, par définition l’égalité en nombre, l’égalité mathématique entre diverses catégories dans la composition d’un groupe, est alors confrontée au principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Ce dernier définiecomme le principe d'après lequel tous les individus ont, sans distinction de personne, de race ou de naissance, de religion, de classe ou de fortune, ni, aujourd'hui, de sexe, la même vocation juridique au régime, aux charges et droits que la loi établie. L’imposition par la loi d’une égalité entre les genres est alors confrontée voire opposée à l’égalité constitutionnelle, l’égalité de tous devant la loi... La décision permet la mise en perspective de l’égalité en droits et l’égalité des chances dans la pensée politique et juridique.

En France, l’égalité entre les sexes est un principe constitutionnel depuis 1946, le préambule de la constitution de la IV° République française stipule en effet  que la loi « garantit dans tous les domaines l’égalité de la femme et de l’homme ». Puis c’est un engagement international, la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) qui, entrée en vigueur en tant que traité international, incita les 20 Etats signataires, dont la France, de s’engager à limiter les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Avant même l’entrée en vigueur du traité en 1983, la France propose alors des mesures relatives aux élections municipales. En 1982, dans le cadre de l’examen par l’Assemblée Nationale de la loi relative à l’élection des conseillers municipaux, la décision du 18 novembre 1982 du Conseil Constitutionnel d’invalider l’article 4 précisant que « les listes de candidats (dans les communes de 3500 habitants et plus) ne peuvent comporter plus de 75% de personnes du même sexe » confirme que ce principe constitutionnel n’autorise pas le recours aux mesures dites de discrimination positive. Elles sont en effet jugées incompatibles avec le principe d’universalisme républicain porté en particulier par l’article 3 de la Constitution de 1958 et l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. C’est la raison pour laquelle Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur, qualifia de « véritable révolution culturelle » la réforme constitutionnelle de 1999 initiant les lois dites sur la parité. En ajoutant à l’article 3 de la Constitution de 1958 un alinéa précisant que « la loi favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives », elle questionne en effet le genre de pouvoir dans le modèle républicain. Depuis la réforme des institutions du 21 juillet 2008, au-delà des élections à des mandats et des fonctions politiques, celles pour les responsabilités professionnelles et sociales sont aussi concernées. Cela ne remet cependant pas en cause la jurisprudence du 8 juillet 1999, précisant que si la réforme constitutionnelle favorise le vote des lois égalitaires, elle ne contraint pas le législateur dans son activité législative. Adoptée le 23 mars 2006,la loi relative à une égalité salariale entre les femmes et les hommes, renforce les moyens et engagement concernant la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et la conciliation entre l'activité professionnelle et la vie familiale. Elle proposait, l’examen du projet au Conseil Constitutionnel, notamment la mise en place de quotaspour faciliter l'accès des femmes aux responsabilités. Elle avait pour objet, entre autres, d’imposer un quota de 20% defemmesen ce qui concerne les organes dirigeants ou consultatifs des personnes morales de droit public ou privé (on notera que pour la première fois le législateur tente de mettre en place une discrimination positive en faveur desfemmesdans le secteur privé). De plus, laloitentait de « favoriser un accès équilibré desfemmeset deshommesaux différentes filières de formation professionnelle et d’apprentissage, en invitant les régions à prendre en comptecet objectif ». La décision émise réaffirme alors des exigences constitutionnelles au regard non seulement de la procédure d’adoption de cette loi relative à l’égalité salariale, mais également sur la grande question de l’égalité dans l’application d’une discrimination positive.

En effet, la décisiondéclare comme contraires aux règles constitutionnelles régissant l'exercice du droit d'amendement, les dispositions issues d'amendements dépourvus de tout lien avec le projet de loi déposé au Parlement ou bien encore introduits en deuxième lecture sans être en relation directe avec des dispositions restant en discussion à ce stade de la procédure. Et, apporte des innovations quant aux exigences constitutionnelles relatives à l’exercice du droit d’amendement en cours de navette parlementaire.

Dans un premier temps, le Conseil affirme la plénitude de l’exercice de ce droit en première lecture tout en y soulignant des limites, de part l’exigence de clarté et de sincérité du débat parlementaire, de la recevabilité ou encore de la nécessité d’un lien avec le projet de la loi permettant le rejet de cavaliers législatifs. Par la distinction de deux périodes pendant lesquelles le droit d’amendement s’exerce différemment, les contraintes se resserrant au fur et à mesure de la navette, l’encadrement de l’exercice du droit d’amendement après la première lecture permet la consécration de la règle de l’entonnoir  par la nécessité d’une relation directe avec une disposition en discussion. Conscientes que la question d’un nouvel équilibre entre le droit d’amendement et le respect des exigences constitutionnelles possède une place pour le moins importante dans cette décision, J'ai choisi dans ce commentaire de me pencher exclusivement sur la question -qui a été abordée, dans un deuxième temps dans la décision- du principe constitutionnel d’égalité envisagée sous l’angle de l’égalité par la loi et des discriminations positives.

Par une réflexion focalisée sur la constitutionnalisation de l’égalité des genres et son atteinte au principe d’égalité devant la loi, il est bon de se demander dans quelles mesures le Conseil Constitutionnel protège-t-il le principe de l’égalité contre les atteintes portées par la parité.

L’incontestable inconstitutionnalité de règles contraignantes fondée sur le sexe en vertu du principe constitutionnel d’égalité dans la loi (I) pose les rouages de l’articulation entre l’inconstitutionnalité des quotas et l’objectif de parité (II).

 

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  • Et si l'on regardait de plus près la société, autour de d'un genre. Engagé mais non partisan, mysee aborde des questions juridiques, sociologiques, culturelles autour de la Femme. Un regard sur l'actualité, alternatif.
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